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Les Dardanelles
Histoire
Un momunent oublié ?
La bataille des Dardanelles.

Un monument oublié ?

Lors d'un voyage touristique effectué en Turquie, en septembre 2007, il a été découvert au hazard d'une promenade sur la côte orientale du détroit des Dardanelles, un petit momument en hommage aux marins français du cuirassé Bouvet, morts le 18 mars 1915.

Afin de ne pas oublier cet épisode de la grande guerre ainsi que ce lieu de recceuillement (un peu oublié), il nous a semblé important et nécessaire de faire un article sur ce monument ainsi que sur la fin dramatique de ces marins Français.

Les dardanelles furent un lieu de combat où se batirent nombres de soldats de l'Armée d'Afrique.

Le monument
Turquie - Septembre 2007

Plaque figurant sur le monument (elle est accompagnée de deux plaques similaires écritent en Anglais et en Turrc.)

Texte reproduit à l'identique ci-dessous.

18 Mars 1915
NAVIRE DE BOUVET

LE NAVIRE DE BOUVET A ESSAYE DE PASSER DARDANELLES PENDANT LA GUERRE MAIS IL A ETE ENTERRE A LA MER, DE 750m LOIN D'ICI, EN TROIS MINUTES, AVEC LES COUPS DES ARTILLEURS TURCS ET L'EXPLOSION DE MINES MALGRE L'ARRET DU FEU. DES ARTILLEURS TURCS, QUELQUES PERSONNES ONT ETE SAUVEES ENTRE 639 MARINS ET SONT SORTIS A CE POINT AU BORD DE GÜZELYALI SUR LA LIGNE DE SOGANDERE INTEPE

CE MONUMENT A ETE CONSTRUIT APRES LA GUERRE MAIS A ETE DEMOLI ET PERDU DURANT LE TEMPS. EN 2000, LES FONDATIONS DE CE MONUMENT ONT ETE TROUVEES PAR LA CHARGE DE PREPOSE DE GÜZELYALI ET ON LA RECONSTRUIT AU MÊME POINT SEMBLABLE A L'ORIGINALE POUR SE SOUVENIR DES 639 MARINS FRANCAIS ET FAIRE VIVRE UNE HISTOIRE.


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4ème plaque du monument.
Elle représente le cuirassé BOUVET .

Situation géographique du monument

Le monument se situe sur une petite plage dans la commune de GÜZELYALI, à quelques 200m de l'hôtel IRIS (sur la droite, face au détroit des Dardanelles.)

La commune de GÜZELYALI se situe quant à elle à 15km du centre de Canakkale.


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La fin tragique du BOUVET

Le Bouvet, cuirassé de la marine française, lancé le 27 avril 1896, faisait partie de l'escadre expédiée par la France dans la bataille des Dardanelles sous le commandement de l'amiral Guépratte. Le 18 mars 1915, l'amiral britannique John de Robeck lance une attaque conjuguée contre les bastions de Turquie défendant le détroit des Dardanelles et le Bouvet était un des quatre cuirassés français constituant la seconde ligne.

Les navires anglais, au centre du dispositif, cherchaient à localiser et détruire les batteries côtières turques. Ils étaient flanqués, à gauche du Gaulois et du Charlemagne et à droite du Bouvet et du Suffren.

 

Le Bouvet reçut 8 impacts de l'artillerie turque qui ne lui causèrent que des dommages légers. Sa tourelle de 305mm située à l'avant fut mise hors d'état de tirer après 6 coups, par suite de l'asphyxie de ses servants, conséquence de la mise hors service accidentelle de l'écouvillonnage pneumatique prévu pour chasser les gaz délétères dans le tube du canon après le tir. Lorsque l'amiral de Robeck donna l'ordre de la retraite, le Bouvet heurta, quelques instants plus tard, dans la baie d'Erin Keui, une mine qui était restée indécelée jusqu'alors. Il s'agissait probablement d'une mine mouillée dans la nuit du 7 au 8 mars par le torpilleur turc Nousret.

A 13h58, la mine touche le cuirassé au centre à tribord, sous la ligne de flottaison au niveau de la tourelle de 274 mm. Une énorme explosion, cause une profonde voie d'eau qui envahit une vaste zone des machines du navire. Le navire se coucha très rapidement, en particulier du fait d'une conception erronée du compartimentage de la coque, typique des cuirassés conçus en France à cette époque. Ces cuirassés furent qualifiés de "chavirables" par le grand ingénieur Emile Bertin qui dénonça cette erreur, mais qui ne fut pas écouté par le Conseil des Travaux. L'eau pénétra rapidement dans les cheminées. En moins d'une minute seulement le cuirassé coulait, emportant avec lui la plus grande partie de ses quelques 700 hommes d'équipage. Quelques-uns furent sauvés par une vedette du Prince George à proximité immédiate. Le radio du bord, notamment, fut arraché inconscient à son poste et ne se réveilla qu'une fois repêché, ne gardant aucun souvenir des événements. Le personnel de la tourelle avant, qui était sorti pour échapper à l'asphyxie, put être entièrement sauvé. Les blessés furent ensuite soignés sur le navire hôpital français Canada.

Au total 75 hommes survécurent, dont 5 officiers. Avec les blessés morts à l'hôpital, cette tragédie coûta la vie à 648 marins, dont le brave capitaine Rageot de la Touche, qui sur la passerelle aurait pu se sauver, mais qui choisit délibérément de se laissr couler avec son bâtiment.

Malgré la perte du Bouvet, l'escadre britannique resta inconsciente du danger présenté par les mines, croyant qu'elle avait été causée par des torpilles. Deux autres cuirassés britanniques, l'HMS Ocean et l'HMS Irresistible, furent coulés, eux aussi par des mines dérivantes. Le croiseur de bataille HMS Inflexible, fut quant à lui endommagé plus tard par d'autres mines. Lors du combat de 15 mars, le Gaulois, plus récent que le Bouvet, mais de même conception erronée que celui-ci, fut touché sous la flottaison à l'avant par un obus à trajectoire sous-marine. Il réussit à s'échouer sur l'île "aux lapins"; il ne fait aucun doute que s'il avait été atteint dans une partie plus centrale, il aurait subi le même sort que le Bouvet.

La perte du Bouvet fit abandonner la stratégie d'attaque navale de front pour prendre Istanbul, et privilégier une stratégie de débarquement terrestre à Gallipoli qui ne se révéla pas moins désastreuse.


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La bataille des Dardanelles

Au début de 1915, l'enlisement des opérations sur le front français correspondait à une série d'insuccès russes sur le front oriental, et à un spectaculaire effort allemand pour ranimer, pendant ce temps, dans les Détroits, l' «homme malade» turc. Le grand état-major allemand s'intéressait depuis longtemps à la route terrestre des Indes, par la Turquie et la Mésopotamie. Le vieux maréchal von Molkte avait déjà mis ce qu'il avait de fortune personnelle dans les «Chemins de fer ottomans», après en avoir lui-même ébauché les plans, et la voie ferrée de Bagdad était l'objet des sollicitudes du gouvernement allemand à la veille de 1914. La Grande-Bretagne, toute maîtresse de Suez et de l'Egypte qu'elle était, endurait mal cette concurrence, effectivement menaçante, du rail allemand.

D'autre part, depuis l'automne 1914, en menant une vaste opération de minage à travers les Dardanelles, les Turcs ont barré toute liaison entre les forces russes et les forces anglo-françaises de Méditerranée.
Le 2 novembre, ils ont été jusqu'à proclamer leur état de guerre avec les Alliés.
Il est vrai que l'amiral allemand Souchon s'est vu confier le commandement de la flotte ottomane et le général allemand von Sanders celui des forces terrestres de Turquie. Constantinople en prend de l'audace.

Blockhaus de la ligne de défence turque (septembre 2007.)

Pendant ce temps-là le Premier Lord de l'Amirauté britannique, le bouillant Winston Churchill, à défaut de victoire sur le front de France, envisage de faire intervenir la Grande Flotte de Sa Majesté, première force navale du monde. Ainsi donc, ce sera à l'amiral Jellicoe de jouer, pour nous dégager de cette inquiétante immobilité.
Churchill va, par là, s'en tenir, à la classique stratégie indirecte des Britanniques, et refuser du même coup de croire, avec Lord Kitchener, à un nouveau sursaut de l'Armée française.

L'heure de la soupe, sur le pont du navire.

C'est le 26 janvier 1915 que les états-majors anglais et français (Joffre bien à contre-cœur) adoptent le plan d'intervention visant à forcer les passages des Dardanelles et rejoindre ainsi la flotte russe de la mer Noire. L'affaire va être menée par le général anglais Sir Ian Hamilton, disposant de 75000 hommes (4 divisions britanniques et la division française du général d'Amade, qui avait été le commandant des forces débarquées au Maroc en 1909). L'infanterie de la division était composée du 175e régiment d'infanterie, du 6e régiment de marche colonial d'infanterie (R.M.C.I.) et du 1er régiment de marche d'Afrique (R.M.A.); celui-ci, d'abord appelé régiment d'Algérie-Tunisie, car ses hommes venaient aussi bien d'Oran, Philippeville que de Tunis, comprenait 4 bataillons de zouaves et 1 bataillon de Légion.

Les navires alliés dans les Dardanelles, après la bataille (collection DMPA)

Le 18 mars, les forces navales alliées pénètrent dans les Détroits, en se heurtant aussitôt aux mines sous-marines et aux coups de l'artillerie lourde des forts turcs savamment égrenés sur les rives. En quelques heures, la flotte française commandée par l'amiral Guépratte perd le tiers de ses bâtiments. Il reste à abandon­ner toute idée de percée navale et à attendre la mise en place de très disparates forces terrestres. L'opération de débarquement eut lieu le 25 avril avec pour objectif la presqu'île de Gallipoli. Une diversion était effectuée sur la rive d'Asie à Koumkaleh par le 6e R.M.C.I. ; celui-ci se heurta à une division turque et dut rembarquer le 27 après avoir perdu le tiers de son effectif. L'opération principale n'eut pas, elle non plus le succès espéré. Au prix de durs combats, les franco-anglais créèrent une tête de pont profonde de 1000 mètres environ sur un front de 5 kilomètres.

Le débarquement aux Dardanelles (collection DMPA)
Le débarquement aux Dardanelles
Les hommes d'Algérie sont engagés sur la rive nord du détroit des Dardanelles, face à Krithia et au mont Achi-Baba, dans la presqu'île de Gallipoli. Malgré la remarquable organisation du terrain que les généraux allemands avaient prescrite aux Turcs, le régiment d'Afrique va progresser jusqu'au ravin de Kerevès-Déré. Mais là, nos troupes se heurtent à de violentes contre-attaques des troupes ottomanes, enragées dans un excellent dispositif de barbelés et soutenue par de bons feux d'appui, tandis que zouaves et légionnaires ne bénéficient que de lointaines artilleries navales alliées.
Canon de 75 mm d'artillerie coloniale en action près de Sedd el Bahr au Cap Helles, campagne de Gallipoli, durant la troisième bataille de Krithia, le 4 Juin 1915.

L'affaire reprend les 1er et 2 mai : de furieuses attaques turques entament notre dispositif, mais le régiment de marche d'Afrique contre-attaque avec bravoure, passe à l'assaut et, baïonnette au canon, refoule les Turcs, en fin de journée, au son du clairon.

Très belle attitude au feu de nos Français d'Algérie, mais des pertes terribles : le chef de corps, les chefs de bataillons, et tous les capitaines sauf un, sont mis hors de combat. Le 5 mai, le capitaine survivant, le capitaine Squinet, ne peut présenter que quelques centaines d'hommes au nouveau chef de corps : le lieutenant-colonel Nieger.

Dans les tranchées des Dardanelles

Ce dernier aura à faire face à d'autres attaques de Turcs. Les soldats du sultan montaient à l'assaut avec une fougue étonnante. Fin mai et fin juin, entraînés par les cris de «En avant, les Zouaves...» le régiment de marche d'Afrique doit soutenir ces luttes meurtrières, allant jusqu'au corps à corps à la baïonnette et au combat à la grenade. Le général d'Amade, en désaccord avec sir Ian Hamilton avait été rappelé le 14 mai. Il avait été remplacé par le général Gouraud, bien connu des troupes d'Afrique et dont l'arrivée galvanisa les Français.

Des combats se poursuivirent durant tout l'été dans des conditions difficiles, mais sans résultats marquants. L'occasion d'aller à Constantinople était définitivement manquée. Aussi, quand en octobre 1915, il fut nécessaire d'aller au secours de la Serbie, une division française et une division anglaise prélevées sur les forces des Dardanelles furent transportées à Salonique. C'était le début de l'évacuation du corps expéditionnaire, qui fut achevée dans la nuit du 8 au 9 janvier 1916.

(Texte de Jean de Pradel de Lamaze, tiré de l’ouvrage « L’Armée d’Afrique 1830-1962 » aux éditions Lavauzelle)

Front d'Orient - Troupes française à Alexandrie, 1915.


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